mardi 20 avril 2010

Laundry Service

Oui oui , c'est bien le titre d'un album de Shakira

Salut les mecs,

Pour faire cesser ce silence pesant, même pas brisé par mes lavettes de collaborateurs malgré mes supplications, je vous fais un petit billet sur une activité bien particulière, que, je crois, peu d'entre vous pratiquent.

Il ne s'agit pas de la branlette suspendue à la David Caradine, non, c'est bien moins mystérieux et bizarre, mais néanmoins assez particulier; il s'agit d'aller au lavomatic, ou laverie pour les chichiteux.

La laverie, c'est une ambiance assez spéciale, en tout cas, celle où je vais. Ca doit être dû à l'éclairage au néon, au carrelage par terre, et à l'odeur permanente de Soupline qui y stagne. C'est bruyant, et souvent lavé par terre par un mec très sympa à qui le boss met la pression en passant à l'improviste pour vérifier que ce soit propre, et ce, n'importe quand. Ce sombre chacal a intégré un principe fondamental du pouvoir: rester imprévisible, ménager l'incertitude.

La laverie où je vais s'appelle, dans une vaine tentative de rendre la corvée de lessive plus fun-vacances-soleil, "Sun Wash" (et se trouve ici)

C'est dans le quartier Saint Michel, juste en face de la maison d'arrêt. Un quartier pas mal, populaire et tout en long. De loin, je dirais que ça se rapproche de Vandœuvre côté match qui a brulé, mais en plus urbain et moins loin du centre, ou bien les alentours de Cristalleries, à la rigueur mais en moins riche. Par exemple, s'il vous prend l'envie de sortir en griller une, l'espérance de vie de votre paquet chute dramatiquement, la taxe est systématique, on se croirait à la gare.

Peut être que c'est dû au quartier, qui n'est pas le plus joli de Toulouse ni le plus cher, ni le plus calme, ni le plus WASP, mais dans cette laverie on croise des personnes qu'on pourrait classer à la va-vite dans la catégorie "pauvres gens". Les rares gens -j'hésite à dire normaux- qui s'y pointent, squattent l'unique grosse machine pour des couettes, des housses de sièges, mais ça compte pas.

Parfois les clichés vous sautent à la gueule comme une voiture américaine qui se serait pris un coup de feu dans le coffre. Il m'est arrivé d'y aller à peu près à tous les créneaux horaires, sauf le matin en semaine. Et les gens que j'y croise varient peu. Il y a beaucoup de femmes, beaucoup de renois, de rebeus et d'asiat', généralement entre 30 et 60 ans. Jamais je n'y ai croisé un jeune cadre dynamique costard en alpaga, celui qui a payé 20 briques son deux pièces plus loggia (comprenne qui pourra), très rarement des gens de mon âge, et toujours, c'est triste à dire, des gens dont l'apparence reflète une certaine pauvreté.


Vous savez, les claquettes en caoutchouc et les bas de survêtements, les sortes de sabots d'infirmières ouverts derrières, les grands sacs Lidl, les valises à roulettes immenses qu'on trouve à 45€ au marché d'Arnaud Bernard, au milieu des marmites immenses en inox et des plats à tajine tout aussi immenses.

Je me demande pourquoi je ne croise que très peu d'étudiants, pourquoi les personnes que j'y croise ont l'air fatiguées, si elles sont aussi pauvres que ce que je crois, du haut de mon SMIC et demi avec mes préjugés de mec pas dans le besoin. Au début je m'attendais à n'y voir que des jeunes en Cité U, des backpackers de passage, des divorcé(e)s en transition.

Faire sa lessive coute assez cher en plus. Il faut compter 4 euros pour une petite machine de 4kgs, 7 pour le modèle 8kgs. Les 6 minutes de sèches linge coutent 50 centimes, il faut une petit demi-heure pour que le contenu d'une machine soit relativement sec, et dans mon cas, environ 2 machines, une grosse une petite, tous les 15 jours. En comptant la lessive à la louche, et en incluant parfois le demi de blanche dans le bar d'à côté, ça fait à peu près 20 euros par lessive, éventuellement plus si on met de l'adoucissant et autres pastilles magiques à l'oxygène actif qui font des billes bleues. L'achat d'une machine est donc vite amorti, enfin, je crois.

Je vois peu de gens venir faire leur lessive pour toute une famille, généralement le volume et le type de fringues sent le célibat, on peut supposer qu'ils/elles vivent seul(e)s. Peut être, comme moi, dans un appart à la salle de bains trop petite pour y mettre une machine, ou sans arrivée d'eau prévue. Peut être que les proprios ne sont pas tenus de fournir une arrivée d'eau et une bonde dans les salles de bains, que le disjoncteurs saute si jamais la machine tourne en même temps que les plaques électriques. J'aimerais savoir si pour eux c'est temporaire comme situation, s'ils sont là le temps de remplacer leur machine qui a rendu l'âme.

J'ai l'air de faire mon travailleur social blindé d'empathie (et Selma) à me désoler de la supposée pauvreté des gens, comme ça. C'est pas ça, y a pas de malaise à aller faire sa laverie bi-mensuelle, c'est pas glauque, juste très ordinaire. De voir que c'est quasiment tout le temps les meufs qui s'y collent, de voir les qq précieuses fringues de marque au milieu d'une pile de tout venant, traitées avec déférence et soigneusement pliées avant d'être rangées. Beaucoup repartent par l'ascenceur qui descend au métro, en face de la porte, ce qui me laisse penser qu'ils viennent d'assez loin.

C'est pas très drôle tout ça, dites moi, c'est un peu sans objet aussi, difficile de vous faire une vanne malgré les roulements de tambours continus du lieu.

Inutile de dire qu'en deux ans, je n'ai aperçu qu'une demie jeune fille s'y pointer, alors pour le fantasme de la girl next door qui vient faire son petit linge, on repassera. En plus j'ai un voisin, donc c'est mort.